
Rares sont les ensembles de musique de chambre à pouvoir se prévaloir d’une si longue existence. Aussi, le Quatuor Stanislas a souhaité publier un album-anniversaire réunissant deux des plus grands chefs d’œuvre du répertoire de quatuor à cordes, enregistrés salle Poirel en 2021 et 2022 : le quatuor K.589 de Mozart et « La Jeune fille et la Mort » de Schubert, qui figurait au premier concert du Quatuor en 1984.
Ce témoignage discographique marque aussi une forme d’aboutissement pour les musiciens du Quatuor Stanislas, couronnant de longues années de travail en commun .
Un livret bilingue de 40 pages richement illustré retrace l'histoire de cet ensemble original à plus d'un titre.
Forgotten Records octobre 2024
LE QUATUOR STANISLAS
Quarante ans au service d’une passion
par Jean de Spengler
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·Prélude
C’est en mars 1984, un an après avoir pris mes fonctions de violoncelle solo à l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy (devenu depuis l’Orchestre de l’Opéra national de Lorraine), que je pus enfin réaliser mon rêve de fonder un quatuor à cordes, avec des collègues ayant comme moi intégré l’orchestre depuis peu[1]. Après plusieurs mois de travail approfondi et une tournée de « rodage » dans le midi de la France au cours de l’été 1984, le Quatuor Stanislas donnait son premier concert dans les Grands Salons de l’Hôtel de Ville de Nancy le 15 octobre de la même année. Au programme, « Les Quintes » de Haydn, l’opus 18 no1 de Beethoven, et le huitième quatuor de Chostakovitch avec, en bis, un mouvement de « La Jeune Fille et la Mort » de Schubert, l’œuvre entière ayant été présentée au cours de l’été précédent.
Alors que les quatuors à cordes pouvant se targuer de quarante ans d’existence se comptent sur les doigts d’une main, rappelons le contexte dans lequel est né cet ensemble original à plus d’un titre.
Si la France compte aujourd’hui de nombreux quatuors à cordes de classe internationale, il faut rappeler qu’il en allait tout autrement il y a une quarantaine d’années. A l’exception notable des quatuors Via Nova et Parrenin, l’inaptitude des Français pour cette formation passait pour un fait bien établi, à mettre sur le compte d’un prétendu individualisme hexagonal, supposé rétif à la rude discipline du travail d’équipe exigé par cette formation ô combien exigeante.
Autant dire que la prétention de nos nancéiens d’adoption de s’attaquer à cette formation emblématique tout en poursuivant une carrière d’orchestre pouvait paraître quelque peu suspecte aux yeux de certains puristes, persuadés que le quatuor à cordes exige une dévotion totale, incompatible avec le travail d’orchestre. Rappelons pourtant que certains grands quatuors du passé ont suivi cette voie, comme par exemple le Wiener Streichquartett, composé de musiciens du Philharmonique de Vienne, ou le Hollywood String Quartet, dont les membres travaillaient également dans les studios d’enregistrements de la capitale mondiale du cinéma.
Il faut dire que Nancy offrait des conditions idéales permettant de concilier travail d’orchestre et de quatuor, et disposait d’un public avide et curieux de musique. En effet, si le fait d’appartenir à un orchestre limite les possibilités de tournées aux seules périodes de congés, cela donne aussi un ancrage solide permettant d’organiser un travail régulier et approfondi, condition indispensable pour construire sur le long terme un répertoire et un style de quatuor.
Grâce au soutien de la Ville de Nancy, bientôt rejointe par le Conseil Général de Meurthe-et-Moselle et par la Région Lorraine, il a été possible d’entreprendre rapidement une véritable politique régionale de diffusion, notamment dans des zones rurales, tenues à l’écart de la vie culturelle des grands centres urbains.
Après ces débuts prometteurs, l’équipe fondatrice du quatuor fut profondément bouleversée en 1986, avec les départs de Zbignew Kornowicz et de son épouse Joanna Rezler, qui devaient rejoindre l’Orchestre de Picardie en qualité de solistes, et de Paul Penkoff, engagé comme alto solo par l’Orchestre de Provence- Côte d’Azur. Ils furent remplacés aux violons par Romano Tommasini, le nouveau violon solo « super soliste » de l’orchestre de Nancy, par Gee Lee (co-soliste à l’orchestre), et par Paul Fenton, qui prendra peu après le poste d’alto solo à Nancy.
C’est dans cette formation que le Quatuor Stanislas effectuera ses premières grandes tournées, tout d’abord à l’ile de la Réunion en mai 1988, puis au Japon et à Taïwan en juillet de la même année.
Il y eut encore un important changement fin 1988, avec le départ de Romano Tommasini pour l’Orchestre Philharmonique de Berlin, et son remplacement par Laurent Causse, son successeur au pupitre de « Super soliste » de l’Orchestre de Nancy. Ancien premier violon du Quatuor Viotti, passionné de quatuor à cordes, il sera le premier violon du Quatuor et de l’Ensemble Stanislas pendant plus de trente cinq ans, contribuant de manière décisive à ses succès par un engagement sans faille, sa grande rigueur dans le travail, doublée d’une inépuisable curiosité musicale.
A partir de cette période, l’effectif du Quatuor restera étonnement stable, autour de Laurent Causse et de moi-même aux deux extrêmes de l’échelle sonore. Paul Fenton occupera le pupitre d’alto pendant plus de trente ans, avant de prendre sa retraite et d’être remplacé au quatuor par Sylvain Durantel, également soliste à l’orchestre. Néanmoins, à partir de 2007, il avait souhaité voir sa charge de travail allégée, si bien que nous avions fait appel à Marie Triplet, depuis peu titulaire de la classe d’alto au conservatoire, afin alterner avec lui au sein du quatuor, ce qui s’est fait en parfaite harmonie. Quant à Gee Lee, retourné en 2004 à Taïwan, son pays natal, il a été remplacé depuis au second violon par Bertrand Menut, lui aussi membre de l’orchestre de Nancy.
- Naissance de l’Ensemble Stanislas, saison de concerts à Nancy
C’est également en 1988 que se situe un important tournant dans la vie du groupe : en effet, dès l’origine, le Quatuor avait régulièrement fait appel à d’autres musiciens, principalement des vents issus de l’orchestre, afin de promouvoir un répertoire plus varié. Il a été décidé d’officialiser cette pratique en créant l’Ensemble Stanislas, structure plus large englobant le quatuor à cordes et les instruments du quintette à vents. Cette mutation a permis d’organiser une saison de concerts à Nancy, dont la première édition eut lieu en 1990-91 dans les Grands Salons de l’Hôtel de Ville, avant de déménager à partir de 1992 salle Poirel, magnifique auditorium à l’acoustique incomparable, construit en 1889. Ce fut aussi l’occasion d’associer à l’activité de l’Ensemble Alexis Galpérine, un proche ami et un violoniste d’exception, qui participera dès lors régulièrement aux concerts de l’Ensemble Stanislas en qualité d’ «invité permanent ».
Cette série, qui passera progressivement de quatre à six concerts, trouvera rapidement sa physionomie et son public. La nécessité de bâtir une programmation annuelle a en outre permis d’élaborer une véritable réflexion sur le répertoire, structurant toute l’activité du Quatuor et de l’Ensemble. En effet, il ne s’agissait plus de décider de jouer telle ou telle œuvre en fonction des demandes d’organisateurs de concerts extérieurs, mais bien de penser l’équilibre et la logique d’un parcours musical sur l’ensemble d’une saison entière, voire sur plusieurs. D’emblée s’est imposée l’idée de sortir des sentiers battus, à une époque ou les programmes se résumaient souvent à Mozart, Schubert et Brahms, et où Bartók faisait presque figure de contemporain !
- Répertoire
Progressivement, la programmation s’organisera sur le principe des trois tiers : un premier tiers consacré au répertoire classique et romantique (en gros de Haydn à Brahms), un deuxième tiers au patrimoine à redécouvrir (essentiellement français, voire lorrain), et enfin un dernier tiers à la musique de notre époque et à la création contemporaine.
Il serait fastidieux d’énumérer les œuvres qui ont été présentées au public nancéien au cours des quarante dernières années, mais elles se comptent par centaines.
Pour le seul répertoire classique et romantique, on peut citer une bonne dizaine de quatuors de Haydn, autant de Mozart, l’intégrale des dix-sept quatuors de Beethoven, tous les grands quatuors de Schubert, plusieurs Mendelssohn, Dvorak, Brahms, Tchaïkovski etc. Le répertoire de la fin du XIXème et de la première moitié du XXème siècle tient évidemment une place éminente, en particulier les français: Lalo, Franck, Chausson, Lekeu, Magnard, Fauré, Debussy, Ravel, Saint-Saëns, Vierne, Tournemire, Caplet, Jolivet etc., auxquels il faut ajouter Janacek, Schönberg, Korngold, Chostakovitch, ainsi que les six quatuors de Béla Bartók, véritable monument du XXème siècle.
La redécouverte des trésors oubliés du patrimoine français s’est vite imposée comme une priorité, avec une attention particulière portée aux compositeurs lorrains : le premier à avoir retenu notre attention fut Joseph-Guy Ropartz qui, bien que breton de naissance, joua un rôle éminent comme directeur du Conservatoire et de l’Orchestre de Nancy entre 1894 et 1919. Si son action dans ce domaine était reconnue, la musique de ce disciple de Franck n’était pratiquement plus jouée, et l’Ensemble Stanislas peut se flatter d’avoir présenté toute sa musique de chambre salle Poirel, avant d’enregistrer l’intégrale de ses quatuors à cordes pour le label Timpani.
A côté de Florent Schmitt et de Maurice Emmanuel, deux grands musiciens français reconnus bien que malheureusement trop peu joués, citons Jean Cartan (1906-1932) et Louis Thirion (1879-1966), compositeurs lorrains totalement oubliés, que l’Ensemble Stanislas a ressuscités en concert puis au disque. Il faut dire que c’est chaque fois un véritable défi d’aborder des œuvres totalement inconnues, jamais enregistrées, et de s’efforcer de les faire revivre, sans garantie aucune que le résultat sera à la hauteur de l’investissement. C’était particulièrement vrai pour ces deux compositeurs, et les réactions enthousiastes de la presse française et étrangère ont représenté une belle récompense pour les efforts que nous avions consentis.
A partir des années quatre-vingt-dix, l’Ensemble Stanislas décide d’intégrer dans chaque programme un morceau contemporain, le plus souvent en première audition mondiale. En effet, la musique doit vivre, et il aurait été à notre sens absurde de ne jouer que des œuvres du passé. Il faut dire que nous avons été encouragés dans ce sens par Henri Dutilleux (1916-2013), considéré comme le plus grand compositeur français d’après-guerre avec Olivier Messiaen. Nous avons eu la chance de pouvoir travailler avec lui son célèbre quatuor « Ainsi la Nuit », que nous avons enregistré en sa présence à Paris, puis rejoué très souvent en France et à l’étranger. C’est ainsi que nous avons commandé et créé des dizaines d’œuvres de compositeurs de toutes générations, parmi lesquels on peut citer Paul Méfano, Antoine Duhamel, Raymond Depraz, Michel Tabachnik, Patrick Marcland, Carlos Roqué Alsina, Thierry Lancino, Pierre Thilloy, Philippe Capdenat, Bernard de Vienne, Dominique Lemaître, Françoise Choveaux, François Fayt, ou , pour les plus jeunes, Benoît Menut, Charles-David Wajnberg, et Fabien Touchard.
L’Ensemble Stanislas a également été à l’initiative des « Rencontres » de Nancy, rétrospectives consacrées à de grands compositeurs de notre époque associant concerts, rencontres et classes de maîtres. Ces événements d’envergure internationale, organisés avec les grandes institutions nancéiennes (orchestre, conservatoire, Centre culturel André-Malraux) eurent pour prestigieux invités Henri Dutilleux en 1996 à l’occasion de ses quatre-vingt ans, George Crumb en 1999 pour son soixante-dixième anniversaire, Klaus Huber en 2001, et György Kurtag en 2007. C’est en 1992 que le Quatuor Stanislas avait joué pour la première fois au festival Musique-Action « Black Angels for electric string quartet » de Crumb, œuvre mythique inspirée par la guerre du Vietnam, qu’il a redonnée au festival « Présences » de Radio-France en 1994, puis enregistrée en 1996. C’est donc avec beaucoup d’émotion que nous l’avons interprétée en 1999 à Nancy en présence du maître, à l’occasion de ses soixante-dix ans. Ajoutons enfin la participation du Quatuor Stanislas aux « Journées György Ligeti » organisées à Metz en mars 2002 en présence du compositeur, où nous avions présenté son magnifique deuxième quatuor à cordes, d’une redoutable difficulté !
A côté du répertoire « classique », nous avons aussi aimé faire des pas de côté, comme par exemple avec le spectacle musical « Siffler n’est pas jouer », que nous avions monté en 2014 avec Bertrand Causse (cousin de Laurent), à l’occasion des 30 ans de l’Ensemble Stanislas. Il faut dire que Bertrand est un véritable phénomène : altiste, pianiste, chanteur, chef d’orchestre, il est aussi un siffleur prodigieux, vice-champion du monde au concours de Tokyo ! Après avoir rejoué le spectacle plusieurs fois au Théâtre le la Manufacture à Nancy en 2015, nous l’avons programmé au festival Off d’Avignon en juillet 2016 pour 23 représentations. Mêlant musique, textes et chansons, le spectacle s’achevait par un pot-pourri totalement délirant sur la « Petite musique de nuit » de Mozart. Quels souvenirs inoubliables !
- Enregistrements
Le Quatuor/Ensemble Stanislas a à son actif une impressionnante discographie de plus de soixante titres publiés entre 1991 et 2024, qui ont beaucoup contribué à sa réputation au-delà des limites de la Lorraine, de même qu’à l’étranger. Cette activité est apparue comme le prolongement naturel du travail de redécouverte d’un répertoire français peu ou pas connu, en collaboration avec le label Timpani, qui a peu à peu constitué un magnifique catalogue de musique française. Les premiers enregistrements mondiaux de la musique de chambre de Guy Ropartz, parus entre 2005 et 2007, ont été qualifiés d’ «événement discographique » par la revue Diapason. Ont suivi les monographies consacrées à Florent Schmitt (avec le pianiste Christian Ivaldi), à Maurice Emmanuel, Jean Cartan, Louis Thirion et Henri Sauguet. Enregistrés après avoir été joués en concerts, ces albums ont été accueillis très chaleureusement par la critique, et ont largement contribué à la reconnaissance internationale de ces grands musiciens injustement négligés.
Par ailleurs, depuis une trentaine d’année, presque tous les concerts de l’Ensemble Stanislas salle Poirel ont été enregistrés dans les meilleures conditions, constituant une réserve de plusieurs centaines d’œuvres. C’est en puisant dans ce fond que le label Forgotten Records a publié depuis une dizaine d’années une trentaine de CD, le plus souvent consacrés à des œuvres du grand répertoire : Schubert, Brahms, Dvorak, Debussy, Ravel etc., mais aussi Paul Méfano, Antoine Duhamel, George Crumb ou Carlos Roqué Alsina. A l’occasion des 250 ans de la naissance de Beethoven en 2020, est paru un coffret de l’intégrale de ses quatuors en huit CD, enregistrés en concerts salle Poirel entre 1994 et 2019. Avec cette publication, très élogieusement accueillie notamment par les magazines Diapason et Classica, le Quatuor Stanislas s’est fait une place dans le cercle restreint des ensembles ayant enregistré ce monument indépassable du répertoire de quatuor à cordes. Forgotten Records publiera également en 2025 l’intégrale des six quatuors de Bartók enregistrés en concerts au cours des quinze dernières années.
- Tournées
Bien qu’il ne soit pas toujours facile de concilier un planning d’orchestre avec les exigences de la vie nomade, le Quatuor Stanislas a parcouru depuis son premier périple asiatique en 1988 tous les continents, à l’exception de l’Australie.Depuis une première grande tournée aux Etats-Unis en 1996 qui lui avait valu les éloges enthousiastes duWashington Post, le Quatuor Stanislas y est retourné à de nombreuses reprises pour des concerts et classes de maîtres en Caroline du Nord, Virginie de l’Ouest, Pennsylvanie, Colorado, Wyoming etc.
En 2006, nous avons entrepris une importante tournée en Russie, financée par le Ministère français des Affaires étrangères, qui nous a menés à Volgograd (ancienne Stalingrad), Perm, Novossibirsk, ainsi qu’à Moscou. A l’occasion du concert à la Philharmonie de Novossibirsk, nous avons noué un contact très sympathique avec le Filarmonica Quartet, que nous avons invité l’année suivante àNancy.En effet, si les tournées sont un stimulant indispensable pour les musiciens toujours désireux de se présenter à l’étranger sous leur meilleur jour, un des grands plaisirs qu’elles procurent sont les rencontres avec les collègues et mélomanes des pays visités. Nous aurions dû retourner en Russie en 2014à l’invitation de l’opéra de Vladivostok, mais la situation créée par l’annexion de la Crimée et les sanctions qui en ont découlé ont malheureusement eu raison de ce projet.
C’est en 2001 que nous avons découvert l’Amérique du Sud, à l’invitation du Festival France-Venezuela de Caracas. Avecle baryton François Le Roux, nous y avons créé une œuvre de Thierry Lancino, « L’Esprit et l’Eau », sur des poèmes de Paul Claudel. Au programme figuraientégalement les quatuors de Debussy et de Dutilleux, ainsi que l’octuor à cordes de Mendelssohn, avec un jeune quatuor de Caracas. C’est là que j’ai entendu parler pour la première fois du « Sistema », cette organisation magnifique permettant aux jeunes des « barrios » (bidonvilles) de s’initier à la musique en jouant directement dans des orchestres adaptés à leurs niveaux. Ce modèle, popularisé notamment par Gustavo Dudamel, célèbre chef d’orchestre formé par El Sistema, s’est développé avec succès depuis quelques années en France. Après plusieurs concerts à Caracas et à Maracaibo, nous avons pris un petit avion pour Merida, une ville des Andes au pied du Pic Bolivar, qui culmine à près de 5000 mètres d’altitude. Le lendemain du concert, nous n’avons pas résisté à la tentation de prendre un téléphérique qui nous a menés à une hauteur de 4500 mètresd’où, sans doute grisés par l’air des cimes, nous est venue la malheureuse idée de redescendre à pied jusqu’à lastation inférieure, qui semblait assez proche et d’accès facile. C était sans compter sur le mal des montagnes qui a saisi Gee et Paul au cours de la descente, les rendant inaptes à tout effort. Laurent a dû se rendre seul jusqu’à la station inférieure pour réquisitionner des muletiers et permettre à nos infortunés compagnons d’atteindre le but sains et saufs !
Après le Venezuela, c’est l’Argentine et le Brésil que nous avons découverts en juillet 2007, au cours d’une tournée de près de trois semaines. Nous n’oublierons jamais notre arrivée à l’aéroport de Buenos Aires sous la neige, une première depuis 1918! Nous avons joué à Rosario et à Cordoba dans des opéras magnifiques, construits au début du XXème siècle, lorsque la Scala de Milan y venait chaque année en tournée sous la direction de Toscanini.
A Buenos Aires, nous avons été invités à jouer à la résidence de l’ambassadeur de France, parfaite réplique d’un hôtel particulier du Faubourg Saint-Germain. Ce n’est pas pour rien que Buenos Aires se flatte d’être le Paris de l’Amérique du Sud !
Après l’Argentine et son parfum d’Europe des antipodes, Le Brésil offre un contraste saisissant, véritable explosion de couleurs, de parfums et de rythmes tropicaux. Nous avons tourné dans de nombreuses villes en compagnie de la pianiste argentine Mirta Herrera, avant que survienne un sérieux contretemps. Après un concert à Belo Horizonte, la capitale du Minas Gerais, nous devions en effet prendre l’avion pour jouer en quatuor le lendemain matin au Centre Culturel de Sao Paulo. Or, juste avant notre départ, nous apprenons que tous les vols intérieurs ont été annulés suite à une catastrophe survenue la veille à l’aéroport de Sao Paulo. Seule solution, prendre un autobus de nuit qui nous fait arriver à notre hôtel à 6 heures du matin, nous laissant tout juste le temps de nous préparer pour le concert prévu à 11h. Après quoi, l’attaché culturel français nous emmène déjeuner dans une Churascaria bondée où, pour nous faire patienter, on nous sert force Caipirinhas, dont l’effet s’est révélé particulièrement ravageur après les fatigues du voyage et du concert. Comme quoi la première condition pour partir en tournée, c’est bien d’avoir l’estomac solide !
Nous sommes retournés plusieurs fois en Argentine et au Brésil, notamment en 2009 pour l’année de la France au Brésil, qui, s’est achevée par un concert dans le magnifique auditorium de Brasilia, à l’acoustique exceptionnelle.
Le Quatuor Stanislas a parcouru presque tous les pays d’Europe de l’Ouest et de l’Est, à l’exception de la Scandinavie. Les distances étant moins importantes qu’en Amérique, nous partions souvent en voiture pour des concerts en Belgique, en Allemagne ou en Suisse, et rentrions en pleine nuit pour nous retrouver à neuf heures du matin à nos pupitres de l’orchestre. Je me souviens en particulier d’un concert à Varsovie en 2014 dans le cadre d’un grand festival qui avait lieu un samedi de juin. Comme nous avions une représentation d’opéra le vendredi soir, nous sommes partis en voiture vers 23 heures pour une courte nuit dans un hôtel à côté de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Le lendemain, départ aux aurores et arrivée à Varsovie juste à temps pour répéter dans le merveilleux théâtre royal Laziensky avant le concert de 17heures. Dimanche matin, réveil à 4 heures, décollage à 7 heures, arrivée à Paris vers 10 heures, retour à Nancy en voiture, et nous voilà à nos pupitres à 14h30 pour une deuxième représentation d’opéra !
- Rencontres
Un des grands avantages de la musique de chambre estqu’elle offre de nombreuses opportunités de rencontres avec d’autres musiciens, qui peuvent parfois devenir des amis très chers : il en est ainsi d’Alexis Galpérine, mentionné plus haut, que j’ai rencontré en 1974 en Suisse grâce à Geneviève Joy-Dutilleux, une très proche amie de ma famille qui était alors son professeur de musique de chambre au Conservatoire de Paris.Nous avons par la suite forméun trio avec la pianiste Josette Morataque nous avonsnommé « Trio La Sage », du nom du village du Valais où nous nous étions rencontrés. Devenu un grand violoniste,professeur au Conservatoire de Paris, il n’a cessé de nous soutenir depuis la création de l’Ensemble Stanislas, et y a participé comme « invité permanent » pendant de nombreuses années.
Il faut aussi bien sûr mentionnerChristian Ivaldi, pianiste exceptionnel, successeur de Geneviève Joy à la classe de musique de chambre duConservatoire de Paris, qui a suivi depuis l’origine chaque étape de la carrière des Stanislas : après notre premier concert ensemble en octobre 1985 (quintette de Dvorak), nous avons collaboré très régulièrement avec lui, et avons enregistré pour Timpani un disque consacré à Florent Schmitt, qui est régulièrementcité comme « enregistrement de référence ».
Autres collègues avec lesquels nous avons tissé des liens étroits, le violoniste américainJohn Fadial et son épouse la violoncelliste Beth Vanderborgh, merveilleux musiciens, professeurs à l’université du Wyoming. C’est une amie américaine de Nancy qui nous avait présentés en 1994, alors qu’ils devaient participer au festival de Mirecourt, et le déclic a été immédiat : dès 1996 nous formionsle Stanislas Sextet, avec lequel nous n’avons cessé depuis de donner des concerts des deux côtés de l’Atlantique, encore tout récemmentdans le Colorado et le Wyoming (avril 2024).
A propos des tournées, je mentionnais plus haut qu’elles permettent souvent de belles rencontres : comment ne pas citer Hélio Vida, jeune pianiste brésilien de vingt ans rencontré en 2007 à Belo Horizonte, alors que nous rentrions tout juste de notre périple en bus à Sao Paulo (voir plus haut). Etudiant à l’université de Belo Horizonte, Il tournait les pages de Mirta Herrera, avec laquelle nous jouions le quintette avec piano de Dvorak, et avait ensuite été notre chaperon lors un concert que nous devions donner deux jours plus tard dans sa ville natale de Patos de Minas. Contrairement à la plupart des brésiliens, il parlait bien l’anglais, et c’est ainsi qu’il put me confier que son rêve était de venir étudier en Europe, mais que cela lui semblait hors de portée. Du coup, profitant d’un stage qu’il devait faire l’été suivant à Trêves, non loin de Nancy, j’organisai une audition pour lui et un de ses condisciples devant le directeur du Conservatoire de Nancy, en présence de notre amie Catherine Chaufard, titulaire de la classe de piano. Tous deux se montrèrent enthousiastes à l’idée de les accueillir comme étudiants au Conservatoire dès l’année suivante. Après un an à Nancy, il intégra la Hochschule de Karlsruhe où il obtint ses masters de piano et de musique de chambre puis, poussé par sa passion du chant lyrique, effectua plusieurs stages dans de grandes maisons d’opéra, avant d’être admis à l’Opéra studio de Zürich. Après un passage à l’Opéra de Graz comme chef de chant, il fut engagé en 2020 par l’Opéra de Bâle en tant que directeur de l’Opéra studio, et a depuis amorcé une brillante activité de chef d’orchestre. Ainsi, ayant grandi dans une petite ville de l’intérieur du Brésil, loin de tout centre culturel, le voilà en quelques années propulsé vers les sommets de la scène lyrique internationale. C’est dire avec quelle émotion nous avons accueilli sa proposition de participer, avec les chanteurs d’OperAvenir Basel, à la célébration des 40 ans de l’Ensemble Stanislas en octobre 2024 !
Cet anniversaire, qui aurait pu n’être qu’un aboutissement, marquera en réalité un nouveau départ plein de promesses: en effet, le talentueux violoniste et compositeur Franck Natan, avec lequel nous avons déjà eu le plaisir de collaborer à plusieurs reprises, succèdera à Laurent Causse comme premier violon, et à moi-même comme responsable artistique. Il réunira autour de lui une équipe rajeunie, prête à s’investir dans de nouveaux projets avec le même idéal et une passion intacte.
La Sage (Suisse), août 2024
[1] Les violonistes polonais Zbigniew Kornovicz et Joanna Rezler, et l’altiste bulgare Paul Penkoff.
THE STANISLAS QUARTET
Forty Years in Service of a Passion
by Jean de Spengler
Prelude
In March 1984, a year after taking up my position as principal cellist in the Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy (now Orchestre de l’Opéra national de Lorraine), I was finally able to realize my dream of founding a string quartet with colleagues1 who, like me, had recently joined the orchestra. After several months of intensive work and a "trial" tour in the south of France during the summer of 1984, the Stanislas Quartet gave its first concert in the Grand Salons of Nancy's City Hall on October 15th of the same year. The program featured Haydn's "The Fifths," Beethoven's Opus 18 No. 1, and Shostakovich's Eighth Quartet, with an encore of a movement from Schubert's "Death and the Maiden," which had been performed in full in the summer. While string quartets that can boast forty years of existence are few and far between, let us remember the context in which this original ensemble, remarkable in many ways, was born. If there are today in France numerous string quartets of international caliber, it was quite a different story forty years ago. With the notable exception of the Via Nova and Parrenin quartets, the supposed ineptitude of the French for this formation was considered a well-established fact, attributed to a supposed Gallic individualism deemed incompatible with the rigorous teamwork required by this demanding formation. It goes without saying that the ambition of these newly adopted Nancy residents to tackle this emblematic formation while pursuing an orchestral career might have seemed somewhat suspect to some purists, convinced that a string quartet required total devotion incompatible with orchestral work. However, let us recall that some great quartets of the past have followed this path, such as the Wiener Streichquartett, composed of musicians from the Vienna Philharmonic, or the Hollywood String Quartet, whose members also worked in the recording studios of the world’s cinema capital. Nancy offered ideal conditions for reconciling orchestral work with quartet playing and had an audience eager and curious for music. While belonging to an orchestra limits the possibility of tours to vacation periods, it also provides a solid anchor allowing for regular and in-depth work, a necessary condition for building a long-term repertoire and quartet style. Thanks to the support of the City of Nancy, soon joined by the General Council of Meurthe-etMoselle and the Lorraine Region, it quickly became possible to embark on a genuine regional dissemination policy, particularly in rural areas that had been excluded from the cultural life of major urban centers. After these promising beginnings, the founding team of the quartet underwent significant changes in 1986 with the departures of Zbignew Kornowicz and his wife Joanna Rezler, who joined the Orchestre de Picardie as soloists, and of Paul Penkoff, who was appointed principal viola of the Orchestre de Provence-Côte d'Azur. They were replaced by Romano Tommasini, the new Concertmaster of the Nancy orchestra, Gee Lee (co-soloist in the orchestra), and Paul Fenton, who soon took the position of principal viola in Nancy. It was with this lineup that the Stanislas Quartet embarked on its first major tours, first to Réunion Island in May 1988, then to Japan and Taiwan in July of the same year. 1 Violonists Zbigniew Kornowicz and Joanna Rezler, viola player Paul Penkoff There was another significant change at the end of 1988 with the departure of Romano Tommasini to the Berlin Philharmonic and his replacement by Laurent Causse, his successor as Concertmaster of the Nancy Orchestra. Former first violin of the Viotti Quartet and passionate about string quartet music, he served as the first violin of the Quartet and the Stanislas Ensemble for over thirty-five years, contributing decisively to its success through his unwavering commitment, great rigor in work, and inexhaustible musical curiosity. From this period on, the Quartet’s lineup remained remarkably stable around Laurent Causse and myself at the two extremes of the sound spectrum. Paul Fenton held the principal viola position for over thirty years before retiring and being replaced in the quartet by Sylvain Durantel, also a soloist in the orchestra. However, from 2007 onwards, Paul expressed a desire to lighten his workload, leading us to call upon Marie Triplet, recently appointed as professor to the viola class at the conservatory, to alternate with him within the quartet, which was done in perfect harmony. When Gee Lee returned to Taiwan, his native country, in 2004, he was replaced on second violin by Bertrand Menut, also a member of the Nancy orchestra.
Birth of the Ensemble Stanislas, Concert Season in Nancy
The year 1988 also marked an important turning point in the group's life: from the outset, the Quartet had regularly called upon other musicians, mainly wind players from the orchestra, to promote a more varied repertoire. It was decided to formalize this practice by creating the Ensemble Stanislas, a larger structure encompassing the string quartet and the wind quintet instruments. This evolution allowed for the organization of a concert season in Nancy, the first edition of which took place in 1990-91 in the Grand Salons of the City Hall, before moving in 1992 to the Salle Poirel, a magnificent auditorium with incomparable acoustics built in 1889. This was also an opportunity to involve Alexis Galpérine, a close friend and exceptional violinist, who would regularly participate in Ensemble Stanislas concerts as a "permanent guest." This series, which gradually expanded from four to six concerts, quickly found its identity and audience. The necessity of building an annual program also allowed for the development of a true reflection on the repertoire, structuring all the activity of the Quartet and the Ensemble. Indeed, it was no longer a matter of deciding to play this or that work based on external concert organizers' requests, but of considering the balance and logic of a musical journey over an entire season, or even over several seasons. From the outset, the idea of stepping off the beaten path imposed itself, at a time when programs often consisted solely of Mozart, Schubert, and Brahms, and where Bartók was almost considered contemporary!
Repertoire
Gradually, the programming was organized according to the principle of three parts: one-third dedicated to the classical and romantic repertoire (roughly from Haydn to Brahms), a second third to rediscovering heritage (mainly French, or even Lorraine), and finally, a last third to the music of our time and contemporary creation. It would be tedious to list the works that have been presented to the Nancy audience over the last forty years, but they number in the hundreds. For the classical and romantic repertoire alone, we can mention about ten quartets by Haydn, just as many by Mozart, the complete set of Beethoven's seventeen quartets, all of Schubert’s major quartets, several by Mendelssohn, Dvorak, Brahms, Tchaikovsky, etc. The repertoire from the late 19th and first half of the 20th century naturally holds a prominent place, particularly the French composers: Lalo, Franck, Chausson, Lekeu, Magnard, Fauré, Debussy, Ravel, Saint-Saëns, Vierne, Tournemire, Caplet, Jolivet, etc., to which we must add Janacek, Schönberg, Korngold, Shostakovich, as well as the six quartets by Béla Bartók, a true monument of the 20th century. The rediscovery of forgotten treasures from the French heritage quickly became a priority, with special attention given to Lorraine composers: the first to catch our attention was Joseph-Guy Ropartz, who, though born in Brittany, played an eminent role as director of the Conservatory and the Orchestra of Nancy between 1894 and 1919. While his influence in this domain was recognized, the music of this disciple of César Franck was hardly ever performed, and the Stanislas Ensemble can boast of having presented all his chamber music at the salle Poirel before recording the complete string quartets for the Timpani label. Alongside Florent Schmitt and Maurice Emmanuel, two well known French musicians who, although well-respected, are unfortunately too seldom performed, we can mention Jean Cartan (1906-1932) and Louis Thirion (1879-1966), completely forgotten Lorraine composers whom the Stanislas Ensemble resurrected in concert and then on record. It must be said that it is always a real challenge to approach completely unknown works, never recorded, and strive to bring them to life without any guarantee that the result will be worth the effort. This was particularly true for these two composers, and the enthusiastic reactions from the French and foreign press were a beautiful reward for the efforts we had made. Starting in the 1990s, the Stanislas Ensemble decided to include a contemporary piece in each program, often in a world premiere. Indeed, music must live, and we felt it would be absurd to play only works from the past. We were encouraged in this direction by Henri Dutilleux (1916-2013), considered the greatest post-war French composer along with Olivier Messiaen. We had the chance to work with him on his famous quartet "Ainsi la Nuit," which we recorded in his presence in Paris and then performed frequently in France and abroad. Thus, we commissioned and premiered dozens of works by composers of all generations, including Paul Méfano, Antoine Duhamel, Raymond Depraz, Michel Tabachnik, Patrick Marcland, Carlos Roqué Alsina, Thierry Lancino, Pierre Thilloy, Philippe Capdenat, Bernard de Vienne, Dominique Lemaître, Françoise Choveaux, François Fayt, and younger composers like Benoît Menut, Charles-David Wajnberg, and Fabien Touchard. The Stanislas Ensemble was also behind the "Rencontres" of Nancy, retrospectives dedicated to major composers of our time, combining concerts, meetings, and masterclasses. These internationalscale events, organized with the major institutions in Nancy (the orchestra, conservatory, and AndréMalraux Cultural Center), featured prestigious guests such as Henri Dutilleux in 1996 on the occasion of his eightieth birthday, George Crumb in 1999 for his seventieth birthday, Klaus Huber in 2001, and György Kurtag in 2007. It was in 1992 that the Stanislas Quartet performed for the first time at the Musique-Action festival "Black Angels for electric string quartet" by Crumb, a legendary work inspired by the Vietnam War, which they performed again at Radio-France’s "Présences" festival in 1994 and recorded in 1996. Therefore, it was with great emotion that we performed it in 1999 in Nancy in the presence of the master on the occasion of his seventieth birthday. Finally, we should mention the Stanislas Quartet’s participation in the "György Ligeti Days" organized in Metz in March 2002 in the composer’s presence, where we presented his magnificent and notoriously difficult second string quartet! Besides the "classical" repertoire, we have also enjoyed making some side steps, such as with the musical show "Whistling is not Playing," which we put together in 2014 with Bertrand Causse (Laurent's cousin) on the occasion of the Ensemble Stanislas’ 30th anniversary. It must be said that Bertrand is a true phenomenon: a violist, pianist, singer, conductor, and also a prodigious whistler, vice-world champion at the Tokyo competition! After replaying the show several times at the Manufacture Theater in Nancy in 2015, we scheduled it at the Avignon Off Festival in July 2016 for 23 performances. Mixing music, texts, and songs, the show ended with a completely delirious medley on Mozart's "Eine kleine Nachtmusik." What unforgettable memories!
Recordings
The Stanislas Quartet/Ensemble boasts an impressive discography of over sixty titles published between 1991 and 2024, which have greatly contributed to its reputation beyond the borders of Lorraine and abroad. This activity emerged as the natural extension of the work of rediscovering a little-known or unknown French repertoire in collaboration with the Timpani label, which gradually built a magnificent catalog of French music. The first world recordings of Guy Ropartz's chamber music, released between 2005 and 2007, were described as a "recording event" by the magazine Diapason. This was followed by monographs dedicated to Florent Schmitt (with pianist Christian Ivaldi), Maurice Emmanuel, Jean Cartan, Louis Thirion, and Henri Sauguet. These albums, recorded after being performed in concerts, were warmly received by critics and significantly contributed to the international recognition of these great, unjustly neglected musicians. Moreover, for nearly thirty years, almost all of the Ensemble Stanislas concerts at the salle Poirel have been recorded under optimal conditions, creating a reserve of several hundred works. It is from this collection that the label Forgotten Records has, for the past decade, published around thirty CDs, mostly dedicated to works from the great repertoire: Schubert, Brahms, Dvorak, Debussy, Ravel, etc., but also Paul Méfano, Antoine Duhamel, George Crumb, or Carlos Roqué Alsina. On the occasion of Beethoven's 250th birth anniversary in 2020, a box set of the complete quartets, recorded live at the salle Poirel between 1994 and 2019, was released on eight CDs. This highly praised publication, especially by Diapason and Classica magazines, placed the Stanislas Quartet in the exclusive circle of ensembles that have recorded this unparalleled monument of the string quartet repertoire. Forgotten Records will also publish in 2025 the complete set of Bartók's six quartets, recorded in concerts over the past fifteen years.
Tours
Although it is not always easy to reconcile an orchestra schedule with the demands of a nomadic life, the Stanislas Quartet has traveled to all continents except Australia since its first Asian journey in 1988. Since the first major tour in the United States in 1996, which earned them enthusiastic praise from The Washington Post, the Stanislas Quartet has returned many times for concerts and masterclasses in North Carolina, West Virginia, Pennsylvania, Colorado, Wyoming, and other states. In 2006, we undertook a significant tour in Russia, financed by the French Ministry of Foreign Affairs, which took us to Volgograd (formerly Stalingrad), Perm, Novosibirsk, and Moscow. During the concert at the Philharmonic in Novosibirsk, we made a very friendly connection with the Filarmonica Quartet, whom we invited to Nancy the following year. Indeed, while tours are an essential stimulus for musicians always eager to present themselves abroad at their best, one of the great pleasures they provide is the opportunity to meet colleagues and music lovers in the countries visited. We were supposed to return to Russia in 2014 at the invitation of the Vladivostok Opera, but the situation created by the annexation of Crimea and the resulting sanctions unfortunately put an end to this project. In 2001, we discovered South America at the invitation of the France-Venezuela Festival in Caracas. With baritone François Le Roux, we premiered a work by Thierry Lancino, "L’Esprit et l’Eau," based on poems by Paul Claudel. The program also included quartets by Debussy and Dutilleux, as well as Mendelssohn’s string octet with a young quartet from Caracas. It was there that I first heard about "El Sistema," a magnificent organization that allows young people from the "barrios" (slums) to learn music by playing directly in orchestras adapted to their levels. This model, popularized notably by Gustavo Dudamel, the famous conductor trained by El Sistema, has successfully developed in France in recent years. After several concerts in Caracas and Maracaibo, we took a small plane to Merida, a city in the Andes at the foot of Pico Bolívar, which peaks at nearly 5,000 meters. The day after the concert, we couldn’t resist the temptation to take a cable car that took us to a height of 4,500 meters, where, undoubtedly exhilarated by the high-altitude air, we had the unfortunate idea of descending on foot to the lower station, which seemed close and easy to access. This was without considering the mountain sickness that struck Gee and Paul during the descent, rendering them incapable of any effort. Laurent had to go alone to the lower station to requisition muleteers and enable our unfortunate companions to reach the destination safe and sound! After Venezuela, it was Argentina and Brazil that we discovered in July 2007 during a nearly threeweek tour. We will never forget our arrival at Buenos Aires airport in the snow, a first since 1918! We played in Rosario and Cordoba in magnificent opera houses built in the early 20th century when La Scala of Milan came there annually on tour under Toscanini’s direction. In Buenos Aires, we were invited to play at the residence of the French ambassador, a perfect replica of a mansion from the Faubourg Saint-Germain. It’s no wonder Buenos Aires prides itself on being the Paris of South America! After Argentina, with its scent of Europe in the antipodes, Brazil offers a striking contrast, a true explosion of colors, scents, and tropical rhythms. We toured in many cities with the Argentine pianist Mirta Herrera before encountering a serious setback. After a concert in Belo Horizonte, the capital of Minas Gerais, we were supposed to fly to play a quartet the next morning at the Cultural Center in Sao Paulo. However, just before our departure, we learned that all domestic flights had been canceled due to a disaster that had occurred the previous day at Sao Paulo airport. The only solution was to take an overnight bus, which brought us to our hotel at 6 a.m., leaving us just enough time to prepare for the 11 a.m. concert. Afterward, the French cultural attaché took us to lunch at a crowded Churrascaria, where we were served plenty of Caipirinhas to keep us waiting, whose effects proved particularly devastating after the exhaustion of the journey and the concert. Thus, the first condition for going on tour is indeed to have a strong stomach! We returned several times to Argentina and Brazil, notably in 2009 for the Year of France in Brazil, which ended with a concert in the magnificent auditorium of Brasilia, known for its exceptional acoustics. The Stanislas Quartet has traveled to almost all Western and Eastern European countries except Scandinavia. Since the distances were shorter than in America, we often drove to concerts in Belgium, Germany, or Switzerland and returned in the middle of the night to find ourselves at our orchestra desks at nine in the morning. I particularly remember a concert in Warsaw in 2014, as part of a large festival that took place on a Saturday in June. Since we had an opera performance on Friday evening, we left by car around 11 p.m. for a short night in a hotel near Roissy-Charles de Gaulle airport. The next morning, we left at dawn and arrived in Warsaw just in time to rehearse in the marvelous Royal Łazienki Theater before the 5 p.m. concert. On Sunday morning, we woke up at 4 a.m., took off at 7 a.m., arrived in Paris around 10 a.m., returned to Nancy by car, and found ourselves at our desks at 2:30 p.m. for a second opera performance!
Encounters
One of the great advantages of chamber music is that it offers many opportunities to meet other musicians, who can sometimes become very dear friends: such is the case of Alexis Galpérine, mentioned above, whom I met in 1974 in Switzerland thanks to Geneviève JoyDutilleux, a very close family friend who was then his chamber music teacher at the Paris Conservatoire. We went on to form a trio with pianist Josette Morata, which we named “Trio La Sage”, after the Valais village where we had met. Now a great violinist and professor at the Paris Conservatoire, he has been a constant supporter of our work since the creation of the Ensemble Stanislas, participating as a “permanent guest” for many years. We must also mention Christian Ivaldi, an exceptional pianist and Geneviève Joy's successor in the chamber music class at the Paris Conservatoire, who has followed every stage of the Stanislas' career from the outset: after our first concert together in October 1985 (Dvorak quintet), we collaborated very regularly with him, and recorded for Timpani a disc devoted to Florent Schmitt, which is regularly cited as a “reference recording”. Other colleagues with whom we have forged close ties are American violinist John Fadial and his wife, cellist Beth Vanderborgh, both wonderful musicians and professors at the University of Wyoming. An American friend in Nancy introduced us to them in 1994, when they were due to take part in the Mirecourt Festival, and it all clicked: in 1996 we formed the Stanislas Sextet, with whom we've been giving concerts on both sides of the Atlantic ever since, most recently in Colorado and Wyoming (April 2024). Speaking of touring, I mentioned above that it often leads to wonderful encounters: how could we not mention Hélio Vida, a twenty-year-old Brazilian pianist we met in Belo Horizonte in 2007, just as we were returning from our bus trip to Sao Paulo (see above). A student at the University of Belo Horizonte, he was a page-turner for Mirta Herrera, with whom we played Dvorak's piano quintet, and subsequently chaperoned a concert we were to give two days later in his hometown of Patos de Minas. Unlike most Brazilians, he spoke good English, and so was able to confide in me that his dream was to come and study in Europe, but that this seemed out of reach. So, taking advantage of an internship he was to do the following summer in Trier, not far from Nancy, I organized an audition for him and one of his fellow students in front of the director of the Nancy Conservatoire, in the presence of our friend Catherine Chaufard, head of the piano class. Both were enthusiastic about the idea of welcoming them as students at the Conservatoire the following year. After a year in Nancy, he joined the Karlsruhe Hochschule, where he obtained his Masters in piano and chamber music. Driven by his passion for opera singing, he undertook several internships in major opera houses, before being admitted to the Zürich Opera Studio. After a spell at Graz Opera as a vocal coach, he was hired in 2020 by Basel Opera as director of the Opera Studio, and has since embarked on a brilliant career as a conductor. So, having grown up in a small town in the interior of Brazil, far from any cultural center, here he is in just a few years, propelled to the heights of the international opera scene. It's no wonder that we were so moved by his proposal to take part, along with the singers of OperAvenir Basel, in the Ensemble Stanislas' 40th anniversary celebrations in October 2024! This anniversary, which could have been a culmination, will in fact mark a new beginning, with a new team assembled around violinist and composer Franck Natan, who will succeed Laurent Causse as concertmaster, and myself as artistic director.
La Sage (Switzerland), August 2024